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Un voyage en raid à ski au Spitzberg ? Victor vous dit tout.

Victor Labarre
Un voyage en raid à ski au Spitzberg ? Victor vous dit tout.

Comment se déroule un raid à ski au Spitzberg ? Quel que soit l’itinéraire, le principe reste le même : on démonte le campement le matin pour progresser en ski et pulka la journée, et on remonte le camp le soir.

Comment se déroule un raid à ski au Spitzberg ?

Quel que soit l’itinéraire, le principe reste le même : on démonte le campement le matin pour progresser en ski et pulka la journée, et on remonte le camp le soir. Ce qui change, en revanche, c’est le type de paysages traversés, la météo, l’observation de la faune… Progresser en itinérance a quelque chose d’unique, on a conscience que l’on ne passera qu’une seule fois à cet endroit, ce qui nous pousse à en profiter au maximum.

Ski en direction du Templefjord - ©Victor Labarre

Ton moment préféré lors d’un voyage de ce type ?

Pour moi, c’est au cœur de la nuit (alors qu’il fait jour), pendant un tour de garde. Si la météo et le froid le permettent, j’aime m’installer avec un thermos d’eau chaude à proximité du camp et surveiller les alentours aux jumelles. Quand le soleil de minuit brille et que l’ensemble du camp est endormi, on profite au maximum de la quiétude de l’endroit. On peut observer les oiseaux migrateurs, les rennes, éventuellement un renard polaire… ou même un ours !

Justement, comment s’organise-t-on face à la présence de l’ours ?

Le Spitzberg, c’est le territoire de l’ours blanc. Ce dernier n’a pas de territoire défini, il se promène sur tout l’archipel, on peut le croiser à tout moment ! Si cela arrive en journée, il se peut que l’ours nous ignore totalement et reste à distance, ce qui permet de très belles observations. S’il est curieux et se rapproche, l’ensemble du groupe fait du bruit, ce qui l’éloigne de manière quasi systématique. Notre guide est équipé d’un pistolet d’alarme qui tire des fusées, ce qui effraie l’ours. Il a également un fusil avec des munitions létales, mais en 35 ans d’expérience sur le terrain et autant de rencontres, nous n’avons jamais eu à tirer sur un ours !

Observation d'un ours polaire - ©Cornélie Monnet

La nuit, c’est une organisation différente. Elle est encore présente en mars mais, fin avril, ce sera le jour continuel, et ce jusqu’à la fin du mois d’août. Les voyageurs se relaient alors pour effectuer des tours de garde, avec pour mission de réveiller le guide si un ours approche. Chaque voyageur effectue ce tour de garde pendant le temps de sommeil, avec un pistolet d’alarme (en cas d’arrivée surprise de l’ours). Cela donne lieu à de véritables tractations d’heures de tour de garde pendant le dîner !

Selon toi, peut-on partir au Spitzberg pour une première fois en raid à ski ?

Bien sûr ! Il faut démystifier le raid à ski, ce n’est pas aussi horrible que cela en a l’air ! (rire). Il faut prendre en compte deux paramètres essentiels avant de se lancer : la progression à ski et les bivouacs en hiver. En ce qui concerne la progression, toute personne sportive qui maîtrise les techniques de base (chasse neige et conversion) peut s’inscrire sur un itinéraire d’une dizaine de jours. S’il n’est pas impératif d’avoir déjà campé en hiver, il faut tout de même avoir déjà effectué quelques nuits en bivouac, pour savoir à quoi cela ressemble et s’imaginer les mêmes conditions dans la neige et à -20°C.  Après, étant donné que nous fournissons une tenue grand froid ainsi que tout le matériel de couchage, la nuit est plutôt confortable (quand elle n’est pas coupée en deux par un tour de garde !). Pour les séjours de deux semaines, nous demandons en revanche d’avoir une expérience de bivouac en hiver. Mais quel que soit l’itinéraire, nous en discutons toujours avec les voyageurs avant leur inscription, alors il ne faut pas hésiter à sauter le pas !

J’imagine que les températures sont extrêmes et qu’il faut un équipement spécifique ?

On est en zone arctique, où les températures pendant les expéditions à ski sont en moyenne autour de -15°C. C’est variable bien entendu, cela peut-être -30°C, ou -5°C avec des changements d’un jour à l’autre. La seule chose qui ne varie pas, c’est le vent, qui accentue le ressenti des températures. On va donc s’orienter sur un système 3 couches, avec des sous-vêtements thermiques, une couche intermédiaire chaude, et une dernière couche qui coupe du vent. Pour le matériel de ski ou les équipements du soir, nous les fournissons.

L'immensité des paysages du Spitzberg - ©Victor Labarre

Il faut faire attention à un équipement en particulier ?

Les mains ! Si les risques de gelures sont faibles sur les pieds grâce aux capacités thermiques des chaussures que nous fournissons, il n’en va pas de même pour les gants qui sont personnels. Il faut donc une paire de gants pour manipuler du matériel au campement et une paire de moufle pour skier (plus une autre paire en dessous !) Après, chaque personne a ses préférences…

Toi par exemple, qu’utilises-tu ?

J’adore faire des photos, donc j’ai besoin de pouvoir manipuler mon appareil sans avoir les mains nues. Pour skier, je mets une paire de gants en laine bouillie, et une paire de sur-moufles par-dessus. J’ai également une paire de gants fins pour remplacer ceux en laine si la température n’est pas trop basse. Pour manipuler des objets au campement, j’ai une paire de gants de ski et je peux utiliser mes gants fins également. Bref, tout dépend de la température et du confort de chacun. Il faut au moins prévoir deux paires de gants dans tous les cas, par sécurité !

Et pourquoi le Spitzberg ?

Tout d’abord, pour l’accessibilité : on y est en une journée, depuis Paris. Ensuite, pour la présence de l’ours blanc et des paysages somptueux. Enfin, pour le prix ! Il y a des endroits magiques pour ce genre d’expéditions à ski comme la terre de Liverpool (Groenland), ou Ellesmere (Nunavut) mais le prix est beaucoup plus élevé, ce qui réserve ces endroits à une poignée de privilégiés. Et puis, le Spitzberg, c’est le point de départ historique de nombreuses expéditions, notamment au pôle Nord. L’ambiance dans la capitale (2000 habitants), Longyearbyen, est un mélange de cette histoire et de la vie minière qui s’y est déroulée. C’est hors du commun, isolé, et l’on est au cœur de la nature arctique dès la sortie de la ville.

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