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Trois questions à Michel Izard, lauréat du prix Paul-Emile Victor

Hugo Blondel
Trois questions à Michel Izard, lauréat du prix Paul-Emile Victor

Quelques semaines après avoir reçu le prix littéraire Paul-Emile Victor 2023 pour son roman Le mystère de l’île aux cochons (éd. Paulsen, 2022), nous avons discuté avec Michel Izard d’aventure, de climat et d’Antarctique.

Dans vos reportages précédents, et dans votre premier livre Adélie, mon amour (éd. Michel Lafon, 2018), les terres polaires et l'Antarctique semblaient déjà être des sujets de prédilection. Qu'est-ce qui vous fascine dans ces territoires ?

Leur éloignement. En particulier le fait qu'ils se trouvent non pas seulement au bout du monde, mais au bord du monde, et même un peu déjà de l'autre côté. Ce sont des lieux où l'on sent que l'Homme est un intrus. Il n'y avait jamais mis les pieds avant la fin du XVIIIe siècle. Ils gardent de ce fait une part de virginité. La nature s'y s'exprime de manière à la fois brutale et paisible. Cela procure de formidables impressions au premier sens du terme. La vie est totalement sauvage, les éléments vous frappent de plein fouet : le vent, le froid, la mer furieuse. La vitalité de la faune vous saute au visage avec une sauvagerie à laquelle nous ne sommes que très rarement confrontés. Je trouve rassurant que ces terres australes et antarctiques soient des réserves, dédiées à la recherche scientifique. Pouvoir y aller est une chance, un bonheur et une responsabilité. Cela m'oblige.

Au cœur de votre livre qui vient de recevoir le prix littéraire Paul-Emile Victor, Le mystère de l'île aux cochons, se trouve le drame de la quasi-extinction de la plus grande colonie mondiale de manchots royaux. Quel regard portez-vous en tant que reporter et citoyen sur les bouleversements climatiques en cours actuellement ?

Je considère que mon rôle de journaliste et de reporter est de témoigner. Ayant accès à des territoires qui sont des points clés de l'observation de ce monde en train de basculer, je peux, je dois exposer cette situation en donnant au maximum la parole aux scientifiques engagés sur le terrain. Je me dois de partager le plus honnêtement possible cette expérience mais je ne peux pas le faire de manière neutre. Je veux partager aussi, faire ressentir ce qui m'a émotionnellement et physiquement traversé. Pour le citoyen que je suis, je ne suis qu'un maillon d'une grande chaîne. Seul, je sais que je ne peux rien changer. Mais cela n'est pas une raison de ne rien faire. Nous sommes tous responsables de la situation. Je constate combien il est nécessaire et difficile de modifier mes comportements, mes usages. C'est le chemin que nous devons pourtant suivre. Ne serait-ce que pour donner l'exemple.

Aujourd'hui, quelle définition donneriez-vous à l'aventure ?

L'aventure est une notion aujourd'hui assez galvaudée. Ceux qui participent aux émissions de télé-réalité ne parlent-ils pas de "poursuivre ou de quitter l'aventure" ? (Michel Izard fait référence à l'émission Koh Lanta, ndlr). Chacun s'invente son aventure. Comme dit la chanson "l'aventure se lève à l'aurore de chaque matin". Je ne considère pas les voyages que j'ai fait en terre Adélie, aux îles Kerguelen ou au Groenland comme des aventures parce que j'ai toujours gardé à l'esprit les voyages des pionniers dans ces territoires : Dumont d'Urville en Antarctique, Marion Dufresne dans les terres Australes ou Paul-Émile Victor au Groenland. Quand on pense aux conditions épiques dans lesquelles se sont accomplies ces expéditions, on peut parler assurément d'aventure au sens le plus noble du terme et cela ne peut inspirer que la modestie et le respect. En revanche, l'écriture de mes livres, se retrouver seul avec ses idées, ses rêves, ses impressions, ses connaissances, devant la page blanche, a été pour moi, une belle et grande aventure.

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