Il y a 30 ans, Paul-Émile Victor disparaissait
Trente ans après sa disparition, Paul-Émile Victor reste une figure majeure de l’exploration polaire, de l’ethnologie humaniste et de l’écologie pionnière. Son œuvre, scientifique et militante, éclaire encore notre compréhension des pôles et des défis environnementaux d’aujourd’hui.
Né en 1907 à Genève, Paul-Émile Victor incarne l'explorateur du XXe siècle, à la fois scientifique, écrivain, ethnologue et pédagogue. Créateur en 1947 des Expéditions Polaires Françaises (EPF), il impose la France sur l'échiquier polaire international. Jusqu'en 1976, il pilote ces missions scientifiques en Antarctique et au Groenland, conduisant lui-même plus de trente expéditions dans des conditions extrêmes. À une époque où les pôles restent encore largement inexplorés, il contribue à récolter des données majeures en glaciologie, météorologie ou biologie. Grâce à lui, des chercheurs comme Claude Lorius s'engagent sur le terrain polaire, ouvrant la voie à la compréhension du climat mondial.
Dès 1934, lors de sa première expédition au Groenland, Paul-Émile Victor se distingue par une approche respectueuse et immersive. Il apprend la langue, partage le quotidien des communautés inuites et documente leur culture avec finesse. Loin d'une ethnologie coloniale, il se veut « un Inuk parmi les Inuits », prônant une science fondée sur l'échange, l'écoute et le respect mutuel. Cette démarche pionnière continue d'inspirer les chercheurs en sciences humaines.
Une voix précoce pour la planète
Dès les années 1970, bien avant que l'écologie ne s'installe dans le débat public, Victor alerte sur la fragilité de notre planète. Il s'attaque à la surconsommation, à la pollution, au gaspillage de l'eau, tout en affirmant que l'homme a oublié qu'il faisait partie du vivant. Aujourd'hui, alors que les pôles fondent à une vitesse alarmante et que les équilibres climatiques sont menacés, son message trouve un écho d'une saisissante actualité. Il préfigure les luttes contemporaines pour la préservation de la biosphère.
Outre ses expéditions, Paul-Émile Victor s'illustre comme un formidable vulgarisateur. Par ses livres, ses émissions et ses conférences, il donne à des générations entières le goût de la science et de l'aventure.
Son style limpide et son humour communicatif font de lui un médiateur hors pair. On lui doit notamment Apoutsiak, le petit flocon de neige, Boréal et Banquise, ou encore La Voie Lactée. Il démocratise la science sans jamais la trahir, tout en valorisant la beauté des mondes qu'il explore.
Un appel à explorer, comprendre, transmettre
Son œuvre ne s'efface pas. Aujourd'hui, l'Institut polaire français Paul-Émile Victor (IPEV) poursuit sa mission scientifique. Le Fonds de dotation Paul-Émile Victor, dirigé par sa fille, soutient la recherche, l'éducation et la diffusion culturelle. Ce fonds remet chaque année un prix littéraire et une bourse pour accompagner de jeunes explorateurs. Par ailleurs, deux biographies (Le rêve et l'action, éd. Paulsen et J'ai toujours vécu demain, éd. Robert Laffont) et une série de bandes dessinées retracent son parcours, renouvelant son accès auprès du jeune public.
Parler de Paul-Émile Victor aujourd'hui, c'est faire vivre un héritage d'exploration, de respect et de transmission. C'est se souvenir qu'un homme, animé par la curiosité et l'engagement, peut profondément transformer notre rapport au monde. Trente ans après sa mort, son message nous invite plus que jamais à explorer, comprendre et préserver. Et surtout, à ne jamais cesser de rêver.
