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« Le Phare du Bout du Monde », de Jules Verne

Marie Foucard
« Le Phare du Bout du Monde », de Jules Verne

Les phares, balises lumineuses sur l’horizon, ont de tout temps fasciné les gens de mer. Ce scintillement sur les eaux tumultueuses, reflet dansant sur les vagues, de nuit, sert d’amer remarquable et indique le chenal à suivre, l’entrée d’un port, le retour à terre mais aussi les dangers à éviter.

Les gardiens de phare sont au cœur de nombreuses intrigues, de drames et ont souvent inspiré la littérature. Les phares maudits, les pirates ou gardiens ont inspiré de nombreux auteurs. Jules Verne s'en inspire dans son dernier roman « Le Phare du Bout du Monde ». Il imagine que les 3 gardiens du phare de l'île des États, sont victimes de l'attaque de pirates pilleurs d'épaves. Il s'inspire de la récente construction du phare de l'île des États, qui doit apporter une aide aux navires qui croisent au large. Les vents violents, les courants puissants et l'absence de visibilité rendent la navigation au large du cap Horn, dans le détroit de Lemaire et l'archipel des Malouines, difficile et les côtes sont bordées d'épaves.

Dans le roman de Jules Verne, une bande de pilleurs d'épaves a élu domicile dans la région pour récupérer tout ce que la mer charrie lorsque les bateaux en perdition viennent s'échouer sur les récifs. Dérangés dans leur entreprise par la construction du phare, ils ont laissé tous leurs biens dans une grotte à proximité de la baie où les Argentins élèvent le nouvel édifice. Pour récupérer leur butin, ils commencent par éteindre la lanterne du nouveau phare puis tentent de s'enfuir mais le mauvais temps s'éternise. Lorsque, enfin ils mettent leur chaloupe à l'eau, le gardien a eu le temps de retourner au phare et d'éclairer la lanterne qui guide l'arrivée des autorités argentines. Les pilleurs d'épave sont arrêtés dans leur fuite et le phare du bout du monde peut à nouveau envoyer ses éclats et protéger les navires au large.

Comme bien souvent, Jules Verne s'inspire d'un fait réel et de cette nouvelle construction pour dénoncer la piraterie maritime. De tout temps, des pilleurs d'épave ont allumé des feux le long de la côte, à proximité de zones de hauts fonds pour dérouter les bateaux pris par le mauvais temps, la mauvaise visibilité et qui venaient se briser sur des rochers à fleur d'eau, les épaves devenant ensuite des « fortunes de mer » et la cargaison possession des pilleurs.

Quant au phare du « bout du monde », construit en forme octogonale, de 32 mètres de haut, il dominait la baie depuis un promontoire de 70 mètres de haut, diffusant un faisceau lumineux sur un secteur de 93°, d'une portée de 14 milles. Un dortoir et un dépôt pour le matériel étaient installés à l'intérieur. Un premier groupe de bagnards avait été conduit sur l'île pour participer aux travaux de construction. En 1896, la marine transfère le pénitencier national installé en Patagonie. Mais le climat humide, pluvieux, les rafales de vents qui soufflent en furie, rendent l'endroit impropre et les installations sont transférées à Ushuaia. Le phare demeure néanmoins et continue à fonctionner jusqu'au 30 septembre 1902, date à laquelle les gardiens reçoivent l'ordre de l'éteindre.

Un Français, André Bronner, débarque sur l'île en décembre 1994. Obstiné, rêveur et nostalgique, il retrouve des vestiges du phare et décide de le reconstruire. Ce pari ambitieux aboutit le 26 février 1998 à rallumer le phare qui inspira Jules Verne. Une centaine d'années plus tard le groupe de constructeurs quitte l'île des États laissant derrière lui un rayon lumineux qui vient de reprendre vie, comme l'écrivait Jules Verne dans ses dernières lignes...

« Aussitôt, là-bas, sur le rivage, une lumière jaillit, dont le reflet dansa dans le sillage. Et l'Aviso, s'éloignant sur la mer assombrie, semblait emporter avec lui quelques-uns des rayons innombrables que projetait de nouveau le phare du bout du monde ».

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