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La Voie du Pôle : première tentative de traversée de l’Arctique d’Est en Ouest

Jean-Luc Albouy
La Voie du Pôle : première tentative de traversée de l’Arctique d’Est en Ouest

Pour la première fois de l’histoire: deux Français, Sébastien Roubinet et Rodolphe André, se sont attaqués depuis deux semaines à une traversée intégrale de la banquise arctique d’Est en Ouest, entre l’Alaska et le Spitzberg (Norvège).

C’est sans conteste le plus étonnant voyage au monde entrepris cet été. Sébastien Roubinet, 36 ans, flirte avec l’Arctique depuis 2007 quand il fut le premier navigateur à franchir à la voile le Passage du Nord-Ouest, entre Pacifique et Atlantique, à bord de Babouche, un petit catamaran de 7,50 m, construit par ses soins.

Le 14 juillet, c’est à bord de Ti Babouche, un nouveau prototype hybride conçu également par lui - catamaran de 5 m de long et 2,40 m de large, équipé de deux flotteurs gonflables sur skis, d’un mât et de deux voiles, à la fois bateau, char à glace et traîneau - qu’il a quitté en compagnie de Rodolphe André, 37 ans, la Pointe Barrow au nord de l’Alaska et mis le cap sur le Pôle Nord géographique.

La distance entre la côte d’Alaska et le Spitzberg, principale île de l’archipel du Svalbard, est de quelque 3.000 km, que les deux aventuriers espèrent couvrir en deux mois.

"C’est un défi technologique et sportif", explique Sébastien Roubinet, joint mercredi sur l’océan blanc par téléphone satellite. "En juillet-août, la banquise est en pleine débâcle avec une alternance d’eau et de glace. Notre embarcation ultra légère est à même de voguer et de glisser sur la glace, poussée par le vent ou tractée comme une grosse pulka."

Ti Babouche pèse 150 kg à vide et 400 kg en charge. Les deux flotteurs sont en kevlar, reliés par un cockpit dont le toit est constitué de panneaux solaires. Le mât et les skis rétractables sont en carbone.

Ours et crêtes de glace infranchissables

Dès le départ, les deux hommes ont dû se mettre au diapason des rigoureuses conditions climatiques et du relief chaotique, sans cesse en mouvement, de la banquise d’été. « Nous avons affronté, dans un premier temps, d’immenses champs de vieille glace très difficiles à traverser, avec des crêtes de compression comme autant d’obstacles infranchissables qu’il fallait contourner au prix d’efforts éreintants, en tractant le bateau », raconte Sébastien. La banquise s’est ensuite aplanie, alternant les plaques de glace « carrossables » et des étendues d’eau de fonte navigables, plus ou moins profondes. « La température oscille autour de 0°C. Nous avançons dans un paysage improbable, noyé dans le brouillard, où le soleil permanent de l’été boréal diffuse avec peine ses rayons diaphanes au travers de la masse cotonneuse. Le vent n’est pas ou peu au rendez-vous. Nous passons plus de temps à tracter qu’à glisser ou voguer », narre le navigateur.

Les deux hommes font halte tous les soirs pour bivouaquer. C’est souvent l’heure des visites du seigneur des lieux, l’ours polaire.

« Nous en avons croisé une dizaine depuis le départ. Il s’approchent plus ou moins près de nous. Nous avons eu quelques frayeurs. Hier, une femelle et ses petits a chargé et s’est arrêtée à un mètre de notre campement. Il a fallu faire partir les pétards pour la faire fuir… », explique Sébastien.

Une autre fois, c’est une baleine, évoluant sous la fine couche de glace, qui est venue lâcher son puissant souffle à proximité de Ti Babouche.

La science embarquée

Cette aventure arctique inédite se double d’une expédition scientifique mesurant en continu, à l’aide d’un sondeur électromagnétique, l’épaisseur de la banquise d’été, dont la fonte s’accélère depuis une trentaine d’année, avec d’importantes conséquences sur l’évolution du climat mondial.

Les mesures ainsi relevées « sur le terrain », viendront compléter celles effectuées par le tout nouveau satellite Cryosat II, lancé au printemps 2010 mais opérationnel depuis le début de l’expédition « La Voie du Pôle ».

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